segunda-feira, 26 de julho de 2010

Libération...

Le pétrin afghan, révélé par WikiLeaks

A point nommé, au moment où l’engagement américain en Afghanistan parait de plus en plus aberrant, WikiLeaks publie les « carnets » de cette guerre : plus de 90 000 rapports de militaires américains qui, au jour le jour, racontent l’inanité, la corruption des forces afghanes qu’ils sont censés épauler, le massacre de civils… ou les intrigues des services pakistanais, qui aident les talibans autant qu’ils les contiennent. Pour se couvrir des foudres du Pentagone, furieux de cette fuite majeure, Wikileaks a permis à trois journaux, de trois pays différents, le New York Times, le Guardian et le Spiegel d’analyser ces documents et de les publier au même moment. Selon les experts du New York Times, qui ont eu plusieurs semaines pour éplucher cette masse de rapports, il en ressort que les 300 milliards de dollars dépensés depuis 2001 par les Etats-Unis ont été plus que vains : les talibans sont plus forts aujourd’hui qu’avant 2001. Ils sont armés de missiles Stinger leur permettant d’abattre des avions, ce que les autorités américaines avaient jusqu’à présent tenté d’occulter.

Sélectionnés sur le site du New York Times, ou en intégralité chez WikiLeaks, ces carnets se lisent comme une chronique de la descente aux enfers de l’armée américaine. Pris un par un, ils seraient parfois presque amusants, comme ce contrôle routier dans la province de Paktia en mars 2008, quand un inspecteur américain s’est mis dans la tête de faire le ménage parmi la police afghane. Il a fait arrêter sept policiers afghans qui réclamaient des pots de vin aux chauffeurs pour franchir leur poste de contrôle. Aveux et témoignages accablants sont soigneusement consignés par écrit. Deux jours plus tard, lorsque l’officier américain s’enquiert de l’avancement de l’enquête… il apprend que l’affaire est déjà classée : les témoignages se sont miraculeusement perdus en remontant aux étages supérieurs de la police afghane…

Mis bout à bout, tous ces témoignages suggèrent pourtant que les Etats-Unis sont bien en train de perdre cette guerre, et notamment du fait du « double jeu » de leur « allié » pakistanais. Plusieurs documents rapportent comment des agents actuels ou « retraités » de l’ISI (les services secrets pakistanais), comme le fameux général Gul, visitent des madrasas dans la région de Peshawar pour recruter des kamikazes, rencontrent les talibans pour organiser des réseaux de combattants contre les troupes américaines ou pour préparer l’assassinat de leaders afghans (sur cet aspect, voir la synthèse du New York Times).

Pour se rassurer, le Pentagone pourra toujours faire valoir que les documents ici révélés ne portent que sur la période 2004 à décembre 2009. Mais les renforts envoyés cette année par Barack Obama ne semblent guère avoir changé la donne depuis lors. La Maison Blanche, loin encore de vouloir se rendre à ces évidences, dénonce des « fuites irresponsables » qui « pourraient mettre en péril la vie d’Américains et de nos alliés, et menacer notre sécurité nationale ».

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