terça-feira, 29 de dezembro de 2009

Liberation

Monde 28/12/2009 à 21h43

«Ce gouvernement prétendument islamique est en pleine décadence»

interview

Babak Dad, journaliste iranien, est en France depuis dix jours, après avoir fui son pays. Il demande l'asile politique. Pour «Libération», il décrit la situation dans son pays.

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Recueilli par BENOÎT MARTIN

Babak Dad est un journaliste iranien. Il a fui le régime des mollahs. Après deux mois passés en Irak, il est arrivé en France il y a dix jours. Il vient de demander l'asile politique. Babak Dad est proche de Khatami, ancien président réformateur de la République islamique d'Iran. Il a aussi été le conseiller de Karoubi, l'un des candidat réformateur à l'élection présidentielle iranienne du 12 juin dernier.

Pourquoi avez-vous été obligé de fuir l'Iran ?

J'ai été menacé. J'ai échappé à une tentative d'arrestation. Avant de partir pour l'Irak et d'arriver en France, j'ai dû changer plus de soixante-dix fois de domicile avec mes enfants de 15 et 19 ans, obligés d'abandonner l'école. J'ai révélé des informations concernant la prison secrète de Kahrizak, où les opposants étaient battus, torturés, violés... J'avais recueilli des témoignages de victimes. Medhi Karoubi, religieux réformateur candidat à l'élection présidentielle de juin dernier dont je suis proche, a été le premier officiel de la République islamique à évoquer l'horreur de cette prison. Depuis, le guide suprême Khameiny a ordonné sa fermeture. Mais le régime tente d'étouffer les témoins et d'effacer les traces de ces geôles. La pression du régime était telle que j'ai été obligé de partir. C'est horrible d'être obligé de quitter son pays. J'aurai préféré rester mais ce n'est vraiment plus possible. Je tiens toujours un blog pour maintenir le lien avec l'Iran.

Comment voyez-vous l'avenir de l'Iran ?

J'ai beaucoup d'espoir. Particulièrement après la journée de dimanche. Le régime actuel a de moins en moins de possibilités de s'en sortir. Tout de suite après l'élection présidentielle, les premières manifestations protestaient contre la triche : «Où est mon vote ?». Mais le régime a fait la sourde oreille. Il s'est entêté à confirmer la triche, alors que tout le monde savait qu'Ahmadinejad n'avait pas gagné l'élection. Les gens ont continué à protester pacifiquement. Le gouvernement a accru la répression.

Dimanche, il en a encore fait la démonstration, lors des cérémonies religieuses d'Ashoura. Ashoura, c'est l'anniversaire de la mort en martyr, il y a près de 1300 ans, de l'Imam Hossein, une des plus grandes figures de l'Islam chiite. L'Imam Hossein est le symbole de la résistance contre le despotisme. Pendant Ashoura, il est interdit de verser du sang. On n'a même pas le droit de tuer des animaux. Or, ce 27 décembre, le gouvernement iranien, qui se dit religieux et islamique, a permis que le sang des innocents soit versé dans les rues. La contradiction est flagrante. Hier, le gouvernement a tué : et l'Imam Hossein, et des innocents. Ce gouvernement prétendument islamique est en pleine décadence. Même les gens très religieux ne peuvent plus se compromettre avec lui. S'il y a atteinte à la vie de Moussavi et de Karoubi, seuls la République islamique et ses dirigeants seront responsables. Khamenei n'est déjà plus légal. Il a perdu toutes qualifications.

C'est le début d'une nouvelle révolution ?

La prochaine étape est la grève générale de demain. Le peuple iranien ne veut pas de révolution. Et surtout pas de violence. A mon avis, le gouvernement n'a pas d'autres choix que de quitter le pouvoir. Je compare le gouvernement de Khamenei qui commande et d'Ahmadinejad qui exécute à une voiture. A une voiture qui roule trop vite et ne peut plus s'arrêter. Quoi qu'il fasse – s'arrêter ou accélérer –, ce véhicule aura un accident. Beaucoup de gens qui sont encore à bord essaient de s'échapper de cette voiture folle. Il y a de moins en moins de passagers. Les Iraniens observent cette voiture rouler trop vite. Aujourd'hui, je suis sûr à 100 % qu'elle aura un accident.

Et après l'accident ?

La parole doit être rendu au peuple avec de nouvelles élections. Le futur gouvernement sera choisi parmi des personnalités qui sont déjà là. Khatami, Karoubi, Moussavi ? Chah ou mollah ? Chah ou ayatollah ? Arrêtons de se focaliser sur les individus ! Ce qui importe, ce sont les changements. Démocratie, liberté, égalité hommes-femmes, davantage de travail pour tous... Le mouvement vert anticipe. Il s'est déjà attelé à la rédaction d'une nouvelle constitution. La question n'est pas de savoir ce que l'on veut mais ce que l'on peut faire. Le futur de l'Iran sera un choix raisonnable.